PROJET DE LOI SUR LES SEPARATISMES : STIGMATISANT, GENERIQUE ET LIBERTICIDE

Posted by on October 5, 2020 in Audiovisual, Blog | 0 comments

PROJET DE LOI SUR LES SEPARATISMES : STIGMATISANT, GENERIQUE ET LIBERTICIDE

Bien que le Président de la République française ne dévoilera sa stratégie contre les séparatismes que le 2 octobre prochain et que le détail du projet de loi correspondant ne soit pas connu, les éléments qui ont été rendus publics suscitent de réelles inquiétudes chez les juristes qui considèrent que cette future loi, si elle était adoptée en l’état, serait stigmatisante pour la population de confession musulmane, trop englobante et potentiellement liberticide. A travers ce projet de loi, qui sera présenté à l’autonome au Parlement, l’Etat entend « éviter que certains groupes ne se referment autour d'appartenances ethniques ou religieuses » et vise à lutter contre tout « projet organisé en marge de la République et contre la République, en vue de lui porter atteinte », et ce, au nom d’un « patriotisme républicain » considérant que « la République indivisible n’admet aucune aventure séparatiste ».

Ce projet de loi comprend différentes mesures, telles que le renforcement de la capacité de surveillance des associations (religieuses et/ou qui donnent des cours de langue ou de soutien scolaire) considérées comme séparatistes et la possibilité de procéder à leur fermeture; la création de nouveaux circuits de financement de ces associations qui soient transparents afin de faire évoluer le volet financier de la loi de 1905 relative à la séparation des Eglises et de l’Etat; le durcissement des mesures visant à garantir la neutralité religieuse des fonctionnaires; « la fin des imams étrangers détachés et un contrôle du financement des mosquées »; « la création pour les associations d'un contrat d'engagement sur la laïcité »; ou, la pénalisation des certificats de virginité que délivrent les médecins. Bien que les personnes interrogées méconnaissaient le contenu exact du projet de loi et sous réserve que les questions posées par les sondeurs n’aient pas été orientées, selon un sondage de l'institut Odoxa-Dentsu Consulting pour Le Figaro et France Info, une ample majorité (76%) des personnes interrogées dans l’Hexagone serait favorable à une telle loi, et ce, quelle que soit leur sensibilité politique, bien que les sympathisants de droite y soient plus favorables que ceux de gauche. Ainsi, 68% des personnes se sentant proches de la France Insoumise, 77% de ceux du Parti Socialiste et 78% des sympathisants écologistes l’approuvent. Cependant, 48% des personnes interrogées expriment des inquiétudes quant aux risques de division de la société que fait peser cette loi. De même, 39% d’entre-elles estiment que cette loi sera inefficace dans la lutte contre la radicalisation islamiste. A noter que le débat sur cette question se déroule dans un climat social et politique marqué par l’adhésion croissante de la population aux idées d’extrême droite et par l’essor des opinions islamophobes. En effet, toujours selon le sondage mentionné, 56% des sondés pensent que, « dans leur majorité, les musulmans de France mettent le plus possible en avant le fait qu'ils sont musulmans ». De même, en plein procès sur les attentats du mois de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l’Hyper cacher, les sondés ont l’impression que, depuis ces attentats, la liberté de critiquer les religions, en particulier la religion musulmane, a reculé.

Toutefois, ce projet de loi est problématique à plusieurs niveaux. D’une part, bien que ses promoteurs affirment qu’elle ne concerne pas prioritairement l’islamisme radical, la plupart de ces mesures ont trait aux associations et lieux de cultes de cette confession, ce qui risque de renforcer la stigmatisation des personnes de religion musulmane. D’autre part, de par sa formulation générique, une fois adoptée, elle risque de s’appliquer à d’autres types de mouvements considérés comme séparatistes. Selon son interprétation, elle pourrait s’appliquer, par exemple, à toute association ou à tout parti indépendantiste qui remettrait en cause l’unité de la République française. Enfin, alors que le cadre juridique visant à lutter contre le djihadisme ha été amplement renforcé au cours des dernières années, cette nouvelle loi entraînerait une limitation supplémentaire des libertés publiques.

Tribune Libre publiée dans l’hebdomadaire MEDIABASK le 1 er octobre 2020.

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